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C’est l’histoire de deux personnes qui discutent ensemble, enfin, pour être plus juste, qui essayent de discuter. Voici un court extrait de leur dialogue :
« – …je… crois…
– Comment ?
– ….que….tu….
– Pardon, qu’est-ce que tu dis ?
– ……une….
– Hein ? Quoi ?
– …..banane…..oreille….
– Mais parle plus fort ! Enfin, tu ne vois pas que j’ai une banane dans l’oreille ??? »
Une banane dans l’oreille… Vous êtes probablement en train de penser quelque-chose comme « ce blog devient vraiment n’importe quoi ». Mais rassurez-vous, je ne suis pas devenu fou, je n’ai pas décidé de transformer ce site en un recueil de textes idiots, cette histoire de banane n’est qu’une « blague » que je me rappelle avoir vu quelque-part, peut-être un dessin humoristique dans un journal ou alors une émission de télévision sur laquelle j’aurai échoué au cours d’errances audiovisuelles nocturnes. Bref, une petite histoire tout à fait improbable qui parle d’un lien qui ne se fait pas entre deux personnes, une communication qui ne s’établit pas, une parole non entendue, deux univers qui ne se découvrent pas. Et cela, à cause d’une simple banane…
Mais alors, qu’est-ce que cette histoire de banane vient faire sur un blog censé parler d’un sujet sérieux : la psychothérapie dans l’approche centrée sur la personne ? Et bien c’est une manière pour moi d’introduire une réflexion sur l’écoute. Je veux parler d’un point crucial de l’établissement d’une relation thérapeutique, la qualité de l’écoute du praticien (également désignée sous les termes écoute active, ou écoute empathique… etc), et de ce qui peut venir la brouiller, la perturber, voire la couper complètement…
Dans le cas de la blague de la banane dans l’oreille, le moins que l’on puisse dire, c’est que la perturbation est visible, et en plus elle est tout à fait consciente. On n’entends pas ce que dit l’autre, en tout cas pas ses mots, mais on sait très bien pourquoi ! Pour autant, ce n’est pas toujours aussi évident. Ainsi, ce qui peut venir perturber notre écoute (on pourrait dire aussi, notre capacité à entendre ou saisir…) et provoquer le fait que l’on a du mal à entrer vraiment et à rester en contact avec l’autre, est bien plus subtil et surtout bien moins conscient. Au point de nous faire tomber dans le piège d’avoir cru entendre TOUT ce qu’à dit l’autre (ou de n’avoir entendu QUE ce qu’il a dit).
Le sens des mots
L’interaction avec l’autre, lors d’une relation d’aide, d’une psychothérapie, voire même plus simplement d’une discussion, est un échange permanent (pas forcément verbal), entre lui et moi certes, mais également entre lui et lui, et entre moi et moi. Personne n’est totalement imperméable à l’autre et son influence est permanente dans la relation, et cela parfois même alors que l’échange paraît complètement anodin. Ainsi, les mots qui mettent « le feu à nos poudres » sont quelque-fois les mots les plus simples. Des mots qu’on croit complètement inoffensifs, ou insignifiants en les prononçant, prennent alors pour une autre personne lorsqu’elle les entends une dimension toute… autre. Et, pour compliquer un peu le tout, cela dépend bien sûr du moment.
Ne vous êtes-vous jamais retrouvé(e) dans un échange au cours duquel la personne à qui vous parlez « se ferme » d’un seul coup, ou alors paraît soudainement être dans la lune, absente, inquiète, triste ou de mauvaise humeur ? Et tout ça sans que vous ne sachiez faire un lien avec ce que vous avez dit ?… D’ailleurs la personne elle-même n’en est pas toujours consciente, et elle ne sait pas toujours dire ce qui a « allumé » ou « fait résonner » quelque-chose en elle.
[quote align= »center » color= »#999999″]Lorsque nous mémorisons les mots, nous y associons notre vécu du moment : une émotion, une impression, une sensation, un sentiment…[/quote]
Pour essayer de comprendre comment les mots peuvent revêtir à ce point des sens différents pour chacun de nous, il faut prendre conscience que lorsque nous les mémorisons, nous associons à notre observation de la situation qui met en scène ce mot et qui nous donne son sens, notre vécu du moment : une émotion, une impression, une sensation, un sentiment… L’apprentissage des mots et la constitution de notre « dictionnaire personnel » ne sont donc pas qu’un processus « d’abstraction » très intellectuel, il sont complètement liés à notre manière de vivre la réalité que nous observons. C’est quelque-chose de tout à fait vivant. Un mot très commun comme « Vélo » peut ainsi évoquer des choses tout à fait différentes en fonction des uns et des autres : une douce odeur de mercurochrome et le souvenir encore douloureux des premières chutes, la peur d’un équilibre précaire et un apprentissage sans cesse repoussé, la liberté d’aller et venir et des souvenirs de l’adolescence, la douceur d’une ballade en amoureux et des images de nature, de montagne, de bords de mer…
Selon ce que nous vivons les mots que nous apprenons pour désigner les choses prennent donc une couleur différente en fonction de notre façon de vivre et de ressentir ces choses. Et, bien évidemment, la vie étant un mouvement permanent, ces couleurs peuvent tout à fait changer pour chacun, au cours du temps qui passe.
Les mots réconfort, les mots blessures
Pas étonnant alors, que nous puissions tous trouver quelques exemples de ce que l’on pourrait appeler des mots « réconfort » ou des mots « blessures », parce que le simple fait de les entendre éveille en nous la conscience de choses que nous aimons ou au contraire que nous n’aimons pas. Il suffit d’observer les yeux des gens s’allumer quand ils vous parlent de leurs passions, quand vous évoquez des lieux qu’ils ont aimés, des choses qu’ils ont adoré faire, des projets qui les ont enthousiasmés ! Oui c’est impressionnant de voir à quel point certains mots sont des refuges, et font du bien.
Mais, comme je le disais plus haut, il arrive donc aussi que des mots passent d’un bord à l’autre. Par exemple, il y a encore quelques années le mot « divorce » m’évoquait personnellement quelque-chose de positif, une sorte d’évolution, de progrès social, quelque-chose qui me parlait de la liberté d’être et d’évoluer… Aujourd’hui au contraire, il charrie dans son sillage des mots qui m’évoquent tous une période de souffrance morale intense comme « harcèlement », « trahison », « solitude », ou « indifférence »… A chaque fois qu’on me parle de divorce, je peux me connecter – à volonté – à tout ce qu’il signifie pour moi et à tout ce que j’ai vécu à travers ce mot. Et, grâce notamment aux effets de ma propre psychothérapie, ces souffrances vécues et largement décrites me sont devenues si familières que je ne risque plus de les confondre avec celles des autres.
L’empathie c’est aussi être à l’écoute de soi
Comprendre la signification d’un mot est donc une chose pour nous, mais comprendre la signification de ce même mot pour l’autre, en est totalement une autre ! Pour comprendre complètement et le plus fidèlement possible il faudrait donc avoir accès à la totalité de ses souvenirs, de son vécu… en fait, il faudrait carrément être lui… Utopique, n’est-ce pas ?
Mais, ne s’entend-on pas souvent dire (et moi le premier) des choses comme « je comprends ce que cela signifie pour vous », « je me mets à votre place » ?… Je peux presque entendre certains rétorquer : mais n’est-ce pas pourtant le principe de l’empathie que de comprendre le monde de l’autre ? En partie oui. Mais beaucoup de monde occulte la partie la plus difficile de l’empathie. En effet, les gens ont tendance à croire que l’empathie désigne simplement le fait de percevoir l’émotion de l’autre, de saisir « le monde » de l’autre au delà des mots qu’il prononce. Mais la véritable compréhension empathique (et notamment en psychothérapie dans l’approche centrée sur la personne, comme l’a étudiée et décrite Carl Rogers) ajoute une autre dimension trop souvent négligée : percevoir le monde de l’autre certes, mais pas de son point de vue à soi, pas à travers ses propres yeux, non, à partir du point de vue de l’autre, et à travers ses yeux à lui.
Et c’est bien là que se trouve toute la difficulté, car il s’agit de connaître d’abord extrêmement bien son propre univers, avant de vouloir saisir, sans risque de le confondre avec le sien, celui d’autrui. Si on revient à ce que l’on disait à propos des mots, bien sûr qu’il est possible de percevoir ce que cela fait ressentir à l’autre de parler de telle chose, d’être en contact avec ce que la personne vit à l’instant où elle l’évoque, mais c’est à condition d’être tout à fait capable d’identifier d’abord et d’être totalement conscient de ce que cela nous fait éventuellement à nous-même, d’entendre ou de penser à ce mot.
[quote align= »center » color= »#999999″]Pour espérer saisir un peu de cette partie du monde de l’autre qui accompagne le mot qu’il dit, il nous faut être capables d’identifier sans confusion ce que cela nous fait vivre à nous-même d’entendre ou de penser à ce mot[/quote]
Pour espérer saisir un peu de cette partie du monde de l’autre qui accompagne le mot qu’il dit, il nous faut donc être capables d’identifier sans confusion ce qu’il nous fait vivre à nous-même d’entendre ou de penser à ce mot. Et, s’ils peuvent souvent « glisser » sur nous sans autre effet, les mots de l’autre vont parfois éveiller ou réveiller tout un tas de choses en nous. Ils peuvent par exemple venir chercher des souvenirs, des pensées obsédantes ou remettre «sur le tapis» des choses que l’on écarte, inconsciemment ou pas, mais de toutes nos forces…
Ainsi, si nous n’avons pas conscience de ce vécu qui nous est propre, qui nous appartient complètement, mais qui vient s’associer aux mots de l’autre, alors nous pouvons nous tromper et le confondre partiellement ou totalement avec celui l’autre. Et nous pouvons risquer de glisser sur la pente dangereuse d’une interprétation simpliste du genre «si je ressens ça, cela veut donc dire ça pour l’autre»…
En d’autres termes, le risque est de projeter sur l’autre des choses qui ne viennent pas de lui, et passer ainsi complètement à côté de son véritable univers. Dans le cadre d’une discussion entre amis, c’est sans grande conséquence à part peut-être l’impression persistante pour l’autre de ne pas être « correctement écouté » ou « entendu », mais dans le cadre d’une psychothérapie, le risque est pour le praticien, de ne pas accompagner au plus juste le véritable vécu de son client, donc de ne pas l’aider tout simplement.
Pour percevoir, le plus justement possible, le monde de l’autre, ce qu’oublient de dire nombre de textes sur l’empathie (et sur l’écoute active…), c’est qu’il ne suffit donc pas d’être attentif à l’autre, il faut également être extrêmement attentif à soi. Sans quoi on risque fort de peiner à entrer complètement en contact avec le monde de l’autre, de rester en décalage avec ce qu’il vit véritablement, et de ne pas s’apercevoir que l’on a en fait, une énorme banane dans l’oreille…∗
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